Faculté & Recherche -Déclaration de faillite : savoir choisir le bon moment

Déclaration de faillite : savoir choisir le bon moment

Dissoudre une entreprise doit être une opération bien réfléchie, surtout quand la question des fonds propres fait partie de l’équation. La solution pour optimiser les actifs restants au sein de l’entreprise : déclarer faillite au bon moment et se laisser le temps nécessaire pour cesser ses activités. Pour planifier une décision aussi importante, il n’est plus possible de se contenter de considérer l’état actuel du marché et d’imaginer qu’une entreprise puisse être fermée en un coup de baguette magique.

 

L’une des compétences clés de l’analyste financier, c’est de déterminer aussi précisément que possible la santé d’une entreprise, dans les périodes fastes comme difficiles, et évaluer ses chances de survie en fonction de l’état du marché. Ce processus doit également impliquer de se pencher sur le passé de l’organisation, en vue d’établir de quelle manière elle a pu être performante sur une période donnée, avant que la décision de déclarer faillite ne soit prise. Or, jusqu’à présent, cette méthode n’était pas forcément très utilisée. Quand on observe l’exemple des compagnies d’assurance et des banques, et la nature volatile de leurs revenus et de leurs charges, on s’aperçoit qu’il est possible de dégager une approche de la fermeture d’une entreprise à la fois de manière plus large et plus sensée.

Savoir anticiper

Par nature, les services offerts par les banques et les compagnies d’assurance sont exposés régulièrement aux aléas du marché. D’un côté, les assureurs reçoivent des primes de la part de leurs clients : en cas de réclamation réussie, celles-ci doivent être restituées. Les assureurs vont ainsi souvent investir dans des primes temporaires pour tenter de générer des revenus supplémentaires, qui demeurent particulièrement volatiles en raison de l’impact des fluctuations du marché sur leur valeur. De la même manière, les banques oeuvrent dans un secteur qui repose, par définition, sur des retours sur investissement et des coûts de financement très dépendants du marché. Et en cas de difficulté financière et face à la perspective d’une faillite potentielle, il est nécessaire de miser sur l’anticipation via une observation des opérations passées et actuelles.

Un cadre d’évaluation à établir

Dans un tel scénario, les meilleurs analystes financiers sauront envisager l’entreprise dans une vision à 360 degrés qui dépasse largement son état de santé actuel. Il faut tout d’abord établir la probabilité d’une faillite avant d’aborder la question du timing nécessaire au désinvestissement conséquent. Il est nécessaire de mettre au point un seuil standard proportionnel aux charges pour permettre de déterminer le moment idéal pour déclarer faillite tout en optimisant les fonds propres rattachés à l’entreprise. Ces actions doivent par ailleurs être évaluées par rapport à la valeur attendue, qui prend en compte des scénarios de faillite rapides comme longs, et au cours desquels le marché peut continuer à avoir un impact sur la performance de l’entreprise lors des dernières semaines et mois de son activité.

Se tourner vers le passé pour préparer le futur

Les marchés financiers sont des entités à la fois incomplètes et volatiles : des événements positifs comme négatifs peuvent survenir à tout moment. Dans ce contexte, essayer d’appliquer des mesures dénuées de risques pour évaluer la santé d’une entreprise reviendrait à ignorer les caractéristiques du marché qui impacte l’entreprise. L’erreur de nombreux analystes à ce jour : se concentrer uniquement sur le climat financier actuel. Pour prendre la décision de dissoudre une entreprise, il faut se plonger dans le cours des actions précédentes et décortiquer l’information comptable d’une entreprise, et pas uniquement prendre le pouls du climat actuel. Des entreprises comme les banques ou les assureurs ont particulièrement besoin de cette approche analytique combinant visions rétroactive et prospective.

Sauver les meubles

Une étude de cas récente portait sur les assureurs Axa et Generali. Il est intéressant de constater qu’elle a précisément adopté cette approche. Celle-ci reposait sur l’application de formules mathématiques complexes et sur une anticipation de la valeur attendue, afin d’établir non seulement la probabilité de déclarer faillite, mais aussi le temps de latence entre la déclaration et la cessation effective de l’activité.

Ce temps a ainsi été estimé à six mois environ. Une durée plus élevée que les prévisions établies dernièrement par les analystes, et qui souligne l’importance d’une bonne estimation du timing comme de l’évaluation des forces et des faiblesses de l’entreprise avant sa fermeture définitive. En ces temps économiques difficiles, la prudence est plus que jamais de mise. Déclarer faillite est difficile mais il est dans l’intérêt de tous de le faire correctement. Le timing est le maître mot, il repose sur une combinaison de projection dans le futur et d’analyse historique de la performance de l’entreprise.


Ce texte s’inspire de l’article “Evaluation et délais par défaut pour les entreprises aux flux financiers fluctuants”, écrit par Donatien Hainaut et publié dans la revue “Insurance: Mathematics and Economics” (61, 2014).

Donatien Hainaut est Professeur Associé en finances et en comptabilité à Rennes School of Business. Ses centres d’intérêt portent sur la finance quantitative, la gestion des risques, la politique de prix des produits dérivés financiers et d’assurance, et la gestion actif-passif.