Faculté & Recherche -Faire des affaires dans de bonnes conditions : le lien entre modèle de propriété et performance

Faire des affaires dans de bonnes conditions : le lien entre modèle de propriété et performance

Qu’est-ce qui définit une entreprise performante ? De nombreux facteurs ont leur importance : politique budgétaire et monétaire, caractéristiques du marché des capitaux ou encore structure de la gouvernance. Le modèle de propriété pèse lui aussi lourd dans l’équation. Distinguer les entreprises en fonction de leur profil (publiques, privées ou gérées par un investisseur étranger) pour voir en quoi le modèle de propriété affecte la performance est une technique encore inexploitée. Une enquête portant sur l’industrie manufacturière chinoise, un secteur en pleine croissance, a permis de fournir des pistes intéressantes sur le sujet.

Comment expliquer les différences de performance des entreprises ? C’est ce que cherchent à déterminer les praticiens comme les chercheurs, en tentant d’évaluer l’impact des caractéristiques d’une entreprise et de son environnement sur sa performance. Parmi les facteurs jugés les plus importants : celui du modèle de propriété adopté, depuis une configuration publique à un contexte de gestion 100 % privée, en passant par le cas des organisations gérées par des entités étrangères localisées dans un autre pays. Ce qui n’a pas encore été mis en place en revanche, c’est un moyen de mesurer quantitativement leur impact, ainsi que les variables qui peuvent affecter, dans ce contexte, la performance d’une entreprise.

Comprendre les modèles de propriété

En toute logique, les objectifs poursuivis sont différents en fonction du modèle de propriété retenu. Ainsi, une entreprise gérée par l’état s’inscrira dans une visée sociale ; une organisation entièrement privée sera davantage orientée vers le profit ; et une entreprise gérée depuis un autre pays devra prendre en compte les problématiques locales de son lieu d’implantation. En outre, les contraintes liées à la gouvernance peuvent différer d’un modèle à l’autre, de même que l’accès aux réseaux et aux ressources externes vont varier, et que les contrats fournisseurs-clients ne seront pas toujours établis de façon similaire. Les différences en termes de performance sont donc inévitables, d’où la nécessité de mesurer quantitativement l’impact d’un modèle sur une configuration donnée. Ce qui est le cas dans l’exemple apporté par l’industrie manufacturière chinoise.

La Chine fournit des éléments très intéressants aux chercheurs, en raison de sa croissance particulièrement élevée par rapport à la plupart des économies émergentes. Pour établir un lien entre propriété et performance, de nombreux facteurs peuvent en effet être observés : taille des entreprises chinoises, marché du travail et base de consommateurs mais aussi immensité géographique du pays. D’autant que le secteur manufacturier fait montre d’une grande variété de types de propriété, selon les époques et les régions, et qu’il est très représentatif de la décentralisation du contrôle de l’état à des niveaux locaux d’administration. Le cas chinois pourrait donc fournir un modèle intéressant pour l’analyse d’autres pays émergents et à la croissance rapide, comme le Brésil, l’Inde ou encore la Russie.

Une étude empirique pour tenter d’y voir plus clair

L’étude en question porte sur la période 1998-2007 (marquée par une croissance nationale annuelle de 8 à 10%). Elle s’intéresse aux entreprises manufacturières présentant des ventes annuelles de plus de 5 millions de RMB, à l’échelle de 31 régions de la Chine continentale. Près de 330 000 entreprises ont ainsi été passées au crible, sur une longue période qui a vu le pays s’affranchir chaque jour un peu plus du contrôle de l’état. La tendance à la privatisation a en effet commencé dans les années 1970. L’économie chinoise est par ailleurs marquée par une concentration intense de l’activité économique dans certaines villes et régions (Pékin et Shanghai, notamment), au sein d’entreprises de taille et d’âge variables. Il est donc important d’estimer dans quelle mesure ces facteurs ont une influence sur la performance en fonction du modèle de propriété.

Cette étude a vraiment fait avancer le débat à un égard, en permettant de déterminer très clairement la possibilité offerte par cette analyse de caractériser l’impact d’un modèle donné sur la performance. Finalement, la taille de l’entreprise n’aurait qu’un impact limité sur la performance. D’autre part, le modèle de propriété n’est pas le seul à avoir une conséquence directe : la localisation géographique et l’âge des entreprises augmentent la variabilité des résultats et de la performance des entreprises.

Avant cette étude, on pouvait affirmer que le modèle de propriété était important, mais sans argument concret. Aujourd’hui, on peut donc considérer clairement l’impact de variables comme la taille de l’entreprise, son âge et son emplacement. L’application de cette grille de lecture à des marchés similaires fournit donc de belles perspectives aux chercheurs comme au monde de l’entreprise.


Ce texte s’inspire de l’article “L’impact du modèle de propriété sur la performance des entreprises. Les entreprises manufacturières en Chine de 1998 à 2007”, écrit par Xia Fan et Gordon Walker, et publié dans la revue “The Strategie Management Journal” (36, 2015).

Fan Xia est Professeur Associé en stratégie et innovation à Rennes School of Business. Ses champs de recherche comprennent les institutions et les structures de gouvernance en entreprise, l’innovation et les fusions-acquisitions.

Gordon Walker est membre du Departement Stratégie et Entreprenariat à Cox School of Business, Southern Methodist University, Dallas, Texas, U.S.A.