Faculté & Recherche -Vitesse, cohérence et transparence – les clés d’une bonne gestion de crise

Vitesse, cohérence et transparence – les clés d’une bonne gestion de crise

« La meilleure solution est d’anticiper la crise en ayant une forte organisation interne, puis de communiquer de façon cohérente, efficace et transparente une fois la crise déclarée ».

Qu’une crise soit d’ordre environnemental, financier, humain ou autre, le temps de réaction de l’entreprise impliquée dans l’affaire est crucial pour une bonne gestion des conséquences. En temporisant pendant les premiers heures et jours après l’événement déclencheur, une entreprise risque de payer très cher ce choix de non-communication, en commençant par une réputation bien ternie. Il est dans l’intérêt de tout gestionnaire de crise de planifier en amont et de faire preuve de réactivité afin de réduire les différents coûts que l’entreprise va devoir supporter par la suite.
Il est facile de sous-estimer l’importance de la réputation d’une entreprise dans une situation de crise. Un organisme bénéficiant d’une bonne perception non seulement aux yeux de ses actionnaires mais aussi aux yeux du public profite d’une certaine marge de manœuvre pour répondre à une situation compliquée dont il est tenu responsable. Ceci dit, les trois clés d’une bonne gestion de crise (vitesse, cohérence et transparence) s’appliquent toujours. Les récentes interventions tardives et opaques de Mark Zuckerberg devant le congrès américain concernant le dossier Cambridge Analytica confirment au moins une chose – même des entreprises appréciées par plusieurs millions d’utilisateurs auraient tort de trop retarder leurs déclarations publiques face à une crise. Ce cas particulièrement médiatisé ne représente que la face émergée de l’iceberg. Alors, quelles sont les principales démarches à suivre pour éviter l’effet boule de neige d’une communication mal menée ?

Vérifiez les faits avant de les rendre publics

Bien que le timing soit crucial lors d’une opération aussi délicate, il est inutile de se précipiter en publiant des informations incohérentes – le public va digérer avec beaucoup plus de mal une version non vérifiée et mal renseignée mais rapidement divulguée par l’entreprise. La récente étude d’un cas en Colombie en est la preuve. Quand la grande compagnie de charbon DCOL fut responsable de la décharge de 1.900 tonnes de charbon dans la mer près de la côte entre la Colombie et les Iles Caraïbes, elle a commis deux péchés capitaux. Non seulement elle a communiqué avec du retard, d’abord à travers ses communiqués de presse et puis par le biais de son rapport annuel de développement durable, mais elle a également publié des chiffres contradictoires afin de minimiser l’ampleur de la crise. Pour aggraver son cas, un lanceur d’alerte (ou « whistleblower ») a révélé le vrai impact de la pollution de charbon dont DCOL était responsable. Entre un manque d’organisation en interne et un manque de franchise une fois la crise rendue publique, DCOL s’est porté préjudice aussi bien sur le plan médiatique que professionnel.

Organisez-vous en interne en anticipant les crises

Afin que le gestionnaire de crise soit bel et bien prêt à braver l’orage, quelques bonnes pratiques organisationnelles sont à conseiller, en commençant par la mise en place d’une cellule de crise dédiée à la gestion et à l’anticipation de tels scenarios. Ce travail en amont peut se faire par le biais d’exercices de simulation, la création de protocoles internes, l’établissement d’une politique de gestion et communication officielle et surtout une distribution claire et nette des responsabilités de chacun. Une crise coûte cher à n’importe quelle entreprise, en termes de temps, d’énergie, de ressources humaines et, bien évidemment, de budget (même dans le cas d’une entreprise qui gère bien la situation), donc toute économie qui peut se faire par la mise en place d’une cellule de crise représente un bon investissement.

Évitez une crise qui touche l’humain

En réalité il n’existe aucune « bonne crise », juste une bonne manière de les gérer et de réparer les dégâts. En revanche, vu la réaction publique de certaines multinationales, il est indiscutable qu’elles se remettront très difficilement d’une erreur ou d’un abus touchant à la santé publique, les enfants, la vie privée, ou le droit d’exercer son métier. Les dénonciations contre Nestlé de pousser les consommateurs vers le lait pour bébé au dépens de l’allaitement maternel, le prétendu recours de Nike aux enfants travailleurs, l’utilisation des données privées et la prétendue atteinte à la vie privée dont Google a été accusé, et la vague de suicides d’employés chez France Telecom suite à des conditions de travail insupportables, ont généré une véritable flambée de critiques. Une chose est sûre, toutes crises confondues, la meilleure solution est d’anticiper la crise en ayant une forte organisation interne, puis de communiquer de façon cohérente, efficace et transparente une fois la crise déclarée.

Cyrlene Claasen – Rennes School of Business

Ce texte s’inspire de l’article Mired in deception: escalating an environmental disaster in Columbia, écrit par Orlando E. Contreras-Pacheco et Cyrlene Claasen et publié dans The Journal of Business Strategy Vol. 39 (2018).

Cyrlene Claasen est professeure assistante au sein du pôle Gestion et Organisation de Rennes School of Business, France. Ses domaines de recherche incluent la RSE, les partenariats public-privé, la gouvernance et la responsabilité, et les enjeux des parties prenantes.